La condamnation de la vente de ce qu’on ne possède pas
باب مَا جَاءَ فِى كَرَاهِيَةِ بَيْعِ مَا لَيْسَ عِنْدَكَ
La condamnation de la vente de ce que tu ne possèdes pas
عَنْ حَكِيمِ بْنِ حِزَامٍ قَالَ أَتَيْتُ رَسُولَ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم فَقُلْتُ يَأْتِينِى الرَّجُلُ يَسْأَلُنِى مِنَ الْبَيْعِ مَا لَيْسَ عِنْدِى أَبْتَاعُ لَهُ مِنَ السُّوقِ ثُمَّ أَبِيعُهُ قَالَ لاَ تَبِعْ مَا لَيْسَ عِنْدَكَ
Traduction explicative
Hakîm Ibn Hizâm (radhia Allâhou anhou) raconte – Je me suis rendu auprès du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) et je lui ait demandé :
« Un homme vient me voir et me demande de lui vendre (quelque chose) que je ne possède pas (à ce moment). (Puis-)je (conclure la transaction qu’il me propose d’abord, puis aller) acheter (la chose concernée) pour lui au marché et la lui remettre ensuite ? »
Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) répondit :
« Ne vends pas ce que tu ne possèdes pas. »
(Authentifié par Al Albâni)
عَنْ حَكِيمِ بْنِ حِزَامٍ قَالَ نَهَانِى رَسُولُ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم أَنْ أَبِيعَ مَا لَيْسَ عِنْدِى
قَالَ أَبُو عِيسَى وَهَذَا حَدِيثٌ حَسَنٌ
Traduction explicative
Hakîm Ibn Hizâm (radhia Allâhou anhou) affirme :
« Le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) m’a interdit de vendre ce que je n’ai pas. »
(Authentifié par Al Albâni)
ذَكَرَ عَبْدَ اللَّهِ بْنَ عَمْرٍو أَنَّ رَسُولَ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم قَالَ لاَ يَحِلُّ سَلَفٌ وَبَيْعٌ وَلاَ شَرْطَانِ فِى بَيْعٍ وَلاَ رِبْحُ مَا لَمْ يُضْمَنْ وَلاَ بَيْعُ مَا لَيْسَ عِنْدَكَ
قَالَ أَبُو عِيسَى وَهَذَا حَدِيثٌ حَسَنٌ صَحِيحٌ
Traduction explicative
Abdoullâh Ibn ‘Amr (radhiya Allâhou ‘anhou) rapporte que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a dit :
« Il n’est pas licite (de combiner) un emprunt et une vente, ni de (spécifier) deux conditions dans une vent, ni de tirer un bénéfice de ce dont on ne supporte pas (encore) le risque (de perte), ni de vendre ce qu’on ne possède pas. »
(Authentifié par Al Albâni)
Commentaires
« Ne vends pas ce que tu ne possèdes pas »
Il n’est pas permis au musulman de vendre (directement ou par le biais d’un mandataire (wakîl)) un bien dont il n’est pas encore propriétaire et qui ne lui appartient pas[1] : ce type de transaction relève du bay’ oul gharar. Les oulémas des madhâhib les plus connus s’accordent sur ce point, énoncé très clairement dans les propos du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) rapportés par Hakîm Ibnou Hizâm (radhiya Allâhou ‘anhou) et cités ci-dessus.[2]
Exemple :
- « A » vend à « B » un véhicule qui appartient à « C ». « A » a en fait l’intention d’acheter cette voiture à « C » par la suite pour la livrer ainsi à « B » : une telle transaction est interdite et est invalide dans le droit musulman, étant donné que, au moment où elle est conclue, le bien cédé n’appartient pas au vendeur.
Il est à noter que la condamnation prophétique énoncée ici concerne les ventes d’objets déterminés (bouyoû’ oul a’yân). Les ventes d’objets non déterminés mais dont les caractéristiques sont bien définies (bouyoû’ ous sifât) sont, elles, autorisées (sous certaines conditions), et ce, même si les biens concernés n’appartiennent pas au vendeur au moment de la transaction. C’est le cas par exemple dans le bay’ ous salam (la vente à terme, où le règlement de la marchandise est immédiat mais sa livraison est, elle, différée) qui a été explicitement autorisé dans les Ahâdîth.
[3]
« Il n’est pas licite (de combiner) un emprunt et une vente »
L’expression « salafoun wa bay’oun » (un emprunt et une vente), mentionnée dans le présent Hadith, désigne notamment :
- la vente (ou l’achat) conditionnée à un emprunt. Exemple : Une personne dit à une autre – « Je te vends ce véhicule pour 5 000 € (ou je t’achète cette chambre pour 1500 €) à condition que tu me prêtes 10 000 €. »
- le prêt conditionné à une vente (ou à un achat). Exemple : Quelqu’un dit à celui qui veut lui emprunter de l’argent – « J’accepte de te prêter les 10 000 € que tu me demandes à condition que tu me vendes cet armoire pour 100 € (ou à condition que tu m’achètes ce bureau 500 €). »
Conformément aux propos du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), ces deux types de transaction ne sont donc pas autorisés.[4]
Parmi les raisons qui ont été avancées pour expliquer cette interdiction, il y a notamment le fait que ce genre d’opérations est, (généralement) pour le prêteur, un moyen d’obtenir un bénéfice sur le prêt consenti : ainsi, en plus de récupérer (à terme) le montant de départ, il cherche à percevoir un avantage à travers la seconde transaction réalisée (en vendant par exemple son bien à un prix plus élevé ou en achetant le bien de l’emprunteur à prix moins important), ce qui s’apparente à du ribâ. En effet, les juristes musulmans s’accordent pour considérer que :
كُلُّ قَرْضٍ جَرَّ مَنْفَعَةً فَهُوَ رِبَا
« Tout emprunt qui rapporte un avantage (conditionné au prêteur par rapport à ce qu’il a avancé initialement) constitue du ribâ (et est donc strictement interdit). »[5]
« ni de (spécifier) deux conditions dans une vente »
La question de savoir quelles sont les conditions qu’il est permis au musulman de spécifier dans un contrat de vente/achat au moment où celui-ci est établi (chartoun yaqtarinou bi ‘aqdil bay’) fait l’objet de quelques divergences entre les oulémas.
Voici une présentation synthétique de l’opinion des hanafites sur le sujet
[6]:
Les conditions licites et valides
Les conditions suivantes sont celles qu’il est permis au musulman de poser dans un contrat de vente/achat et qui doivent ensuite être nécessairement respectées par les contractants :
1. La condition qui ne fait que confirmer ou renforcer ce qu’implique déjà la transaction (chartoun yaqtadhîhil ‘aqd) et n’apporte donc aucun changement de fond dans l’opération.[7]
Exemple :
Une vente au comptant est conclue sous condition que le vendeur garde la marchandise tant que le prix de celle-ci ne lui est pas intégralement versé par l’acheteur.
2. La condition qui a été autorisée dans les sources du droit musulman (chartoun warada fihch char’i dalîloun bi jawâzihi).[8]
Exemple :
Un achat est conclu sous condition que le règlement soit différé (chart oul adjal) ou sous condition que l’acheteur bénéficie d’une option d’achat (khiyâr ouch chart)
3. La condition qui est en conformité avec les exigences de la transaction (chartoun youlâïmouhoul ‘aqd).
[9]
Exemple :
Un bien est vendu/acheté avec un paiement différé et le vendeur pose comme condition (pour garantir le règlement qui lui est dû) que l’acheteur lui donne quelque chose de bien défini en gage.[10]
4. La condition qui, dans les usages en cours du lieu concerné (‘ourf), est habituellement intégrée dans les contrats commerciaux (chartoun djarâ bihit ta’âmoul), et ce, même si elle ne fait pas partie de ce qu’implique la transaction et qu’il apporte un avantage à l’un des contractants. En effet, en raison du ‘ourf, ce type de conditions n’entraîne pas de litiges entre les contractants et peut être considéré comme relevant de ce qui est conforme aux exigences de la transaction.[11]
Exemple :
Un bien est cédé sous condition que le vendeur (ou le fabricant) en assure gratuitement la réparation en cas de besoin pendant une période donnée.
Les conditions qui ne sont pas autorisées mais qui n’invalident pas pour autant le contrat
Il n’est pas autorisé de spécifier dans une vente/achat une condition qui n’entre pas dans l’une des quatre catégories présentées plus haut (dans la partie traitant des conditions licites et valides) mais qui n’est pas non plus avantageuse pour l’un des contractants (ou qui est carrément préjudiciable pour l’un d’entre eux). Cependant, si cela est quand même fait, la transaction reste valide et c’est la condition spécifiée qui est rejetée et n’est pas prise en considération (bâtil) selon l’avis qui fait autorité chez les hanafites.
Exemple :
- Quelqu’un achète un bien à autrui sous condition de ne pas le revendre.[12]
Les conditions qui ne sont pas autorisées et qui invalident le contrat
Il n’est pas permis au musulman de spécifier dans un contrat de vente/achat une condition qui n’entre pas dans l’une des quatre catégories mentionnées plus haut et qui est avantageuse pour l’un des contractants. Et si cela est quand même fait, la transaction est invalidée, étant donné qu’elle comprend un surplus (c’est-à-dire un aspect/élément auquel ne fait face aucune contrepartie) conditionné qui n’est pas justifié (du point de vue du droit musulman) en faveur de l’un des contractants, ce qui fait qu’elle s’apparente à du ribâ…[13]
Exemples :
- Quelqu’un achète du blé sous condition que le vendeur moud celui-ci avant de le lui livrer.
- Quelqu’un achète une pièce d’étoffe sous condition que le vendeur coud celle-ci pour en faire une chemise.
- Quelqu’un vend sa maison sous condition qu’il puisse encore l’habiter pendant un mois.
- Quelqu’un vend un produit sous condition que l’acheteur lui prête de l’argent ou lui offre un cadeau.
Il faut souligner que, en ce qui concerne les conditions non autorisées dans le contrat de vente/achat, les oulémas hanafites considèrent qu’il n’y a pas de différence de statut entre le fait d’en spécifier une ou plus d’une dans une transaction.[14] Leur opinion à ce sujet repose notamment sur les deux éléments suivants :
- A l’époque de la Révélation, lorsque Aïcha (radhia Allâhou ‘anhâ) proposa de racheter Barîrah (radhia Allâhou ‘anhâ) à ses maîtres, ces derniers acceptèrent sous condition que le walâ[15] leur revienne.[16] Quand le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) fut informé de ceci, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) fit un sermon au cours duquel il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit notamment :
مَا بَالُ رِجَالٍ يَشْتَرِطُونَ شُرُوطاً لَيْسَتْ فِى كِتَابِ اللَّهِ قَالَ كُلُّ شَرْطٍ لَيْسَ فِى كِتَابِ اللَّهِ فَهُوَ بَاطِلٌ
« Qu’en est-il de ces hommes qui stipulent des conditions qui ne sont pas dans le Livre d’Allah ‘azza wa djalla ? »
Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) ajouta ensuite :
« Toute condition n’étant pas dans le Livre de Dieu[17] est nulle (…)«
(Mousnad Ahmad – Authentifié par Al Arnâoût)
- L’Imâm Abou Hanîfah (rahimahoullâh) relate avec sa propre chaîne de transmission que :
نَهَى عَنْ بَيْعٍ وَشَرْطٍ
« Il (c’est-à-dire le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam)) a interdit (le fait de réunir) une vente et une condition. »
(Mou’djam Awsat de At Tabrâniy)
Il est à noter que la validité de ce rapport a cependant été remise en question par des experts, comme le souligne (entre autres) Az Zaïlaï’ (rahimahoullâh) (l’illustre mouhad-dith hanafite).
[18]
Pour ce qui est des propos du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) présents dans le Hadith cité par l’Imâm Tirmidhi (rahimahoullâh), des hanafites avancent la possibilité que ceux-ci aient été tenus en fonction de ce qui se faisait habituellement à l’époque[19] : en tous les cas, cette portion de Hadith indique simplement qu’il n’est pas permis de spécifier deux conditions dans une vente. La question de savoir s’il est permis ou non de spécifier une condition unique dans un contrat n’est simplement pas évoquée ici et l’avis adopté sur ce point précis par les hanafites ne contredit donc pas l’énoncé de cette Tradition Prophétique.
« ni de tirer un bénéfice de ce dont on ne supporte pas (encore) le risque (de perte)«
Il n’est pas permis au musulman de réaliser un bénéfice sur un bien qui n’est pas sous sa responsabilité et dont il n’assume pas le risque.[20] Une des sagesses que renferme cette interdiction prophétique est que cette mesure peut permettre d’éviter des litiges dans les échanges commerciaux : en effet, il est possible que, en constatant le bénéfice réalisé par l’acheteur à travers la revente de son bien, le vendeur soit tenté de ne plus le lui livrer et de revenir ainsi sur la transaction conclue pour essayer de réaliser soi-même une meilleure opération.[21]
Le ribh mâ lam youdhman (bénéfice tiré de ce dont on ne supporte pas le risque) est présent notamment :
- lorsque quelqu’un réclame des intérêts à autrui sur une somme d’argent qu’il lui a prêtée. En effet, le montant concerné étant passé sous la responsabilité de l’emprunteur (en ce sens que ce dernier en est redevable, et ce, quoiqu’il arrive), le créancier ne peut réaliser une plus-value sur cet argent dont il n’assume plus le risque de perte.[22]
- (selon l’avis qui fait autorité chez les hanafites,) lorsque quelqu’un revend un bien meuble avant d’en avoir pris possession.[23] En effet, le risque du bien n’étant pas encore transféré à ce moment, s’il arrive que celui-ci soit détruit durant ce laps de temps, c’est le vendeur initial (et non l’acheteur) qui supporte le préjudice de cette perte : selon les termes de ce Hadith, il doit être le seul à pouvoir (légitimement) tirer un bénéfice de celui-ci.
Wa Allâhou A’lam !
[1] Selon la majorité des oulémas (les hanafites, les mâlékites et les hambalites), cette règle ne s’applique pas dans le cas de celui qui agit en tant que foudhoûli, c’est-à-dire qui stipule clairement qu’il propose à la vente un bien qui appartient à autrui, sans son autorisation : la validité d’une telle transaction dépend de la permission du propriétaire du bien. Réf : « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 4 / Page 360
[2] Réf : « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 7 / Page 70 et « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 9 / Page 158
[3] Réf : « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 4 / Page 360 et « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 25 / Page 195
[4] Les juristes des quatre madhâ-hib les plus connus s’accordent à ce sujet. Voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 33 / Page 133 et Volume 9 / Pages 184, 272
[5] Ce principe est rapporté du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), avec cependant une chaîne de transmission qui présente une très sérieuse faille. Des avis allant dans le même sens que le contenu de cette narration sont cependant rapportés d’au moins trois Compagnons (en tant que Hadith Mawqoûf) avec une chaîne de transmission validée par certains savants. Voir « Tarkhîs oul Habîr » – Volume 3 / Page 34 et « Dhaïf oul Djâmi' » d’Al Albâni, « Irwâ oul Ghalîl », « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 4 / Pages 360-362, « Radd oul Mouhtâr » – Volume 5 / Page 166. On peut donc considérer que le principe est juridiquement fondé, avec une portée qui n’est cependant pas absolue, comme l’indique d’autres narrations et avis rapportés de certains Compagnons (radhia Allâhou ‘anhoum) (concernant par exemple as souftoudjah lorsque celle-ci est conditionnée dans le prêt). Certains contemporains ont ainsi indiqué que, dans le cas où l’avantage conditionné dans un prêt bénéficie à l’emprunteur ou bénéficie au prêteur et à l’emprunteur de façon équivalente, cela est toléré. Pour plus de détails, voir le livret « Al Manfa’atou fil Qardh »
[6] Pour ce qui est du fait de spécifier une condition dans un contrat commercial, la position des châféïtes va dans le même sens que celle des hanafites : selon eux, celle-ci est valide et doit être respectée si elle ne fait que confirmer ou renforcer ce qu’implique déjà la transaction (remettre la marchandise à l’acheteur par exemple) ou si elle apporte quelque chose d’utile (et reconnu comme tel dans le droit musulman, comme le fait pour l’acheteur de donner quelque chose en gage au vendeur pour garantir un règlement différé par exemple) à l’un des contractants. Par contre, si la condition spécifiée va à l’encontre de ce qu’implique la transaction (interdiction pour l’acheteur de revendre la marchandise achetée ou droit pour le vendeur de continuer à utiliser le bien vendu pendant un certain temps par exemple), l’opération est invalidée.
Les hambalites (selon l’avis qui fait autorité chez eux) soutiennent que :
- – si celle-ci ne fait que confirmer ou renforcer ce qu’implique déjà la transaction, elle est bien évidemment licite et n’a aucune incidence sur l’affaire conclue.
- – si celle-ci apporte quelque chose d’utile à l’un des contractants (ou à tous les deux), elle est aussi licite et doit nécessairement être respectée.
- – si celle-ci n’entre pas dans les deux cas précédents et qu’elle est unique, il n’y a aucun mal à la spécifier dans le contrat. C’est le cas par exemple lorsque quelqu’un achète une pièce d’étoffe sous condition que le vendeur coud celle-ci pour en faire un vêtement pour lui. L’opinion des hambalites à ce sujet repose notamment sur le Hadith qui relate que, durant un voyage, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) proposa à Djâbir (radhiya Allâhou ‘anhou) de lui acheter son chameau; celui-ci accepta sous condition qu’il puisse continuer à l’utiliser comme monture jusqu’à son retour chez lui. (Sens d’un Hadith présent dans les Sahîh de Boukhâri et Mouslim)
Par contre, il n’est pas permis (selon les hambalites toujours) de spécifier plus d’une condition (ne comptant pas parmi ce qui est utile à la transaction (layssâ min maslahat il ‘aqd)) dans le contrat de vente/achat. C’est le cas par exemple de celui qui achète une pièce d’étoffe sous condition que le vendeur, en sus de coudre celle-ci pour lui, lave également le vêtement ainsi préparé avant de le lui remettre. L’énoncé du Hadith cité par l’Imâm Tirmidhi (rahimahoullâh) dans le présent chapitre compte parmi les arguments cités pour soutenir cet avis : en effet, il y est indiqué que le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a interdit de « (réunir) deux conditions dans une vente ».
- – si celle-ci a pour objet de lier l’affaire en cours à une autre transaction, elle n’est pas autorisée et a pour conséquence d’invalider la vente/achat. C’est le cas par exemple lorsque quelqu’un vend un produit sous condition que l’acheteur lui cède quelque chose d’autre lui appartenant, ou lui loue un bien, ou lui accorde un prêt… Une telle opération relève en effet du bay’atayn fi bay’atin (« deux ventes en une »), qui a été clairement interdit par le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) (comme cela a été détaillé dans un précédent article).
- – si celle-ci consiste en un élément qui va à l’encontre de ce qu’implique la transaction, il n’est pas permis de la spécifier dans le contrat. Et si elle l’a été quand même, selon l’avis qui semble être le plus juste, elle ne sera pas prise en considération et la validité de l’opération ne sera pas remise en question (al bay’ou sahîh wach chartou bâtil).
Il n’est pas possible de présenter ici l’avis des mâlékites sur la question avec toutes ses nuances, en raison de sa complexité. Pour simplifier, il est possible de dire que, selon eux, les trois types de conditions suivantes ne peuvent être spécifiés dans un contrat de vente/achat :
- – celles qui consistent en quelque chose d’interdit ou contrevenant à la chariah
- – celles qui vont à l’encontre de ce qu’implique la transaction et limite la capacité d’action de l’acheteur concernant le bien acquis (interdiction de revendre ou d’offrir celui-ci par exemple)
- – celles qui affectent le prix fixé ou qui ont pour conséquence de créer un flou (important) dans la transaction. C’est le cas par exemple lorsque, dans une vente, le règlement est conditionné à un évènement futur et aléatoire
(Dans le cas où ce genre de conditions est spécifié dans une affaire, les conséquences ne sont pas toujours les mêmes : parfois, la transaction peut être immédiatement invalidée, d’autres fois, c’est la condition qui n’est pas prise en compte, tandis que d’autres fois encore, l’affaire n’est invalidée que si la condition est finalement gardée. Pour plus de détails concernant les nuances énoncées à ce sujet, voir les ouvrages de références mâlékites.)
Pour ce qui est des conditions autres que ceux énoncés ci-dessus et qui présentent un avantage pour l’un des contractants, suivant le fiqh mâlékite et en règle générale, il est permis de les spécifier dans une transaction.
Enfin, il faut savoir que Ibnou Taymaiyah (rahimahoullâh) et Ibnoul Qayyim (rahimahoullâh) sont d’avis que, en ce qui concerne le fait de spécifier des conditions dans les contrats de vente/achat, la permission constitue la règle. Ne sont interdites à ce niveau que les conditions qui contreviennent à un ordre d’Allah ou de Son Messager (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) ou qui s’opposent à l’objectif même de la transaction.
Réf : « Takmilah Fath il Moulhim » – Volume 1 / Pages 628-636, « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 4 / Pages 563-564 et Volume 5 / Pages 152 et suivantes, « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 9 / Pages 243 et suivantes, Page 271
[7] Les oulémas des autres madhâ-hib s’accordent avec les hanafites sur ce point. Voir « Al Fiqh oul Islâmiy » – Volume 5 / Pages 158-160 et « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 26 / Pages 11 et suivantes
[8] Sur ce point également il n’y a pas de divergences entre les oulémas. Voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 26 / Pages 11 et suivantes
[9] Cette condition, même s’il a été présentée en des termes légèrement différents que ceux employés par les hanafites, est néanmoins considérée comme étant valide et à respecter par les châféïtes, les hambalites et les mâlékites également. Voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 26 / Pages 11 et 12
[10] C’est là l’avis qui fait autorité chez les hanafites. Voir « Al Fiqh oul Islâmiy wa adillatouh » – Volume 5 / Pages 152 et suivantes
[11] C’est là l’avis qui fait autorité chez les hanafites : elle ne faisait cependant pas l’unanimité entre les anciens savants de ce madh-hab. Voir « Al Fiqh oul Islâmiy wa adillatouh » – Volume 4 / Pages 477 et suivantes, « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1/ Pages 108-109, « Radd oul Mouhtâr » – Volume 7 / Page 506 et « Al Fatâwa al Hindiyah » – Volume 3 / Page 133.
Il est à noter que le statut d’une telle condition n’a été évoqué explicitement que par les hanafites. Néanmoins, selon Moufti Taqui Outhmâni, celle-ci doit en principe être admise également par les hambalites et les mâlékites (mais pas par les châféïtes). Voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 26 / Page 12 et « Taqrîr Tirmidhî »
Par ailleurs, Moufti Taqui est d’avis qu’une autorité musulmane peut permettre la spécification d’une condition avantageuse à l’un des contractants dans les opérations de vente/achat (conformément à l’avis hambalite et mâlékite à ce sujet) pour peu que celle-ci n’entraîne pas du ribâ dans la transaction. Pour plus de détails, lire « Takmilah Fath il Moulhim » – Volume 1 / Pages 635-636
[12] Réf : « Al Mabsoût » – Volume 13 / Page 15, « Touhfat oul Fouqahâ » – Volume 2 / Pages 52-53, « Fatâwa Hindiyah » – Volume 3 / Pages 133 et suivantes, « Badâï ous Sanâï » – Volume 5 / Page 169, « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 9 / Pages 245 et suivantes
[13] Réf : « Touhfat oul Fouqahâ » – Volume 2 / Pages 52-53
[14] Les châféïtes s’accordent avec les hanafites sur ce point. Selon Ach Chawkâni (rahimahoullâh), ce serait même là l’avis de la majorité des oulémas. Voir « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 4 / Page 362 et « Al Fiqh oul Islâmiy »
[15] Lien similaire à la parenté qui s’établit entre l’esclave et celui qui l’affranchit, et qui accorde à ce dernier le droit d’hériter de lui.
[16] Ce qui, en soi, n’est pas autorisé étant que, en Islam, le walâ est un lien qui est établi suite à la libération de l’esclave exclusivement en faveur de celui qui l’a affranchi.
[17] C’est-à-dire allant à l’encontre de ce qu’Allah a énoncé dans le Qour’aane.
[18] Al Albâni (rahimahoullâh) qualifie ce Hadith de dhaïf djiddan (très faible). Des hanafites tentent, eux, de reconnaître à ce rapport une certaine fiabilité. Pour plus de détails à ce sujet, lire « Silsilat oul Ahâdîth adh Dhaïfah » – Volume 1 / Page 703
[19] Réf : « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 4 / Page 362
[20] Ce qui, en soi, est une disposition parfaitement juste et équitable.
[21] Voir les écrits de Ibnoul Qayyim (rahimahoullâh) dans ses annotations sur les Sounan de l’Imâm An Nassaï (rahimahoullâh) – Volume 9 / Page 298
[22] Réf : « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1 / Page 115
[23] L’interdiction de la vente d’une chose dont on n’a pas encore pris possession fait l’objet de quelques divergences :
- Les mâlékites sont d’avis que cette prohibition ne concerne que les aliments (sous certaines conditions).
- Il semblerait que, selon l’opinion qui fasse autorité chez les hambalites, cette interdiction ne porte que sur les éléments qui s’échangent au poids (mawzoûn), à la mesure (makîl et madhroû’) ou en étant comptés (ma’doûd).
- Selon l’avis faisant autorité dans le madh-hab hanafite, cette règle concerne toutes sortes de biens à l’exception de la terre (qui n’est généralement pas un bien susceptible d’être détruit ou perdu).
- D’après les châféïtes (c’est également là un avis hanafite (celui de Mouhammad Ach Chaybâni (rahimahoullâh)) et hambalite), cette condamnation a une portée générale et concerne toutes sortes de biens (la terre y compris).
Pour plus de détails à ce sujet, voir « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 9 / Pages 123 et suivantes
Deux points supplémentaires sont à souligner :
- Les contrats de bay’ salam et d’istisnâ (détaillés dans une note précédente) sont, eux, licites, même si, au moment où elles sont conclues, le vendeur n’a pas encore pris possession de ce qu’il vend.
- Le qabdhah (prise de possession) peut se faire directement ou par l’intermédiaire d’un agent (wakîl). Par ailleurs, selon les hanafites (et c’est aussi là un avis de l’Imâm Ahmad (rahimahoullâh)), il n’est pas nécessaire, pour que le qabdhah soit effectif, qu’il y ait une prise de possession physique du bien par l’acheteur : il suffit pour cela que la chose achetée passe sous la responsabilité de ce dernier et qu’il ait à en assumer le risque ; ce qui est le cas par exemple lorsque le bien concerné est livré dans un entrepôt lui appartenant. Les oulémas des autres madhâ-hib ont un avis différent sur la question. Lire à ce sujet « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1 / Page 118 et « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 32 / Pages 261-262
- Par Mouhammad_Patel
- Le 18 mars 2010