L’achat
Question : L’achat à crédit est-il autorisé dans le droit musulman ?
Réponse : Aïcha (radhia Allâhou ‘anhâ) raconte qu’il y avait sur Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) deux épais vêtements qitriy[1]. Lorsqu’il restait assis (pendant quelque temps) et qu’il (se mettait à) transpirer, (le port de) ces deux (vêtements lui) devenait pénible. (Un jour,) du bazz [2] arriva du châm chez untel (commerçant) yahoûdiy. J’ai (alors) suggéré (au Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam)) : « (Cela aurait été bien) si tu envoyais quelqu’un (auprès lui) et que tu achètes deux vêtements (à payer) lorsque (tu en auras) les moyens… » Il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) (accepta cette suggestion de Aïcha (radhia Allâhou ‘anhâ) et) envoya (donc quelqu’un) chez lui (c’est-à-dire chez le yahoûdiy). (En prenant connaissance de la proposition du Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam), ce dernier) dit : « J’ai compris ce qu’il veut… il veut s’emparer de mon biens (ou il a dit) de mes darâhim (c’est-à-dire de mon argent) ! » (Lorsque le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) fut informé de cette réponse), il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) dit : « Il a menti ! Il sait bien que je compte parmi ceux qui craignent le plus Allah et parmi ceux qui rendent le mieux le dépôt (qui leur a été confié; le yahoûdiy avait dit ceci juste pour faire de la peine au Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam)). »
(Hadith cité par l’Imâm Tirmidhi dans ses Sounan et authentifié par Al Albâni)
Cette Tradition indique qu’il est tout à fait permis au musulman d’acheter des biens à crédit, à condition, bien évidemment, que cette transaction n’entraîne aucune forme de ribâ (intérêt ou usure) : le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) avait lui-même procédé parfois de la sorte pour faire l’acquisition de ce dont il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) avait besoin.
Il convient de souligner cependant que, lors de l’achat d’une marchandise, si le paiement de façon différée de celle-ci est conditionnée dans la transaction, il est nécessaire que la date du règlement soit clairement déterminée[3], et ce, afin d’éviter tout risque de conflit par la suite entre le vendeur et l’acheteur. D’ailleurs, au sujet du bay’ salam (vente où le règlement est immédiat tandis que la livraison de la marchandise est différée), qui est également une transaction au sein de laquelle l’une des deux parties bénéficie d’un délai de façon contractuelle, le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) a lui-même clairement énoncé la nécessité de bien clarifier les termes de l’échéance :
« Celui qui achète des dattes (dont la livraison se fera) à terme, qu’il le fasse pour une mesure et un poids connus (c’est-à-dire clairement définis) et jusqu’à une échéance connue (c’est-à-dire fixée de façon précise). »
(Boukhâri)
Pourtant, lorsqu’on se réfère à l’énoncé de la Tradition rapportée par Aïcha (radhia Allâhou ‘anhâ), on constate que le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) fut (apparemment) prêt à effectuer un achat à crédit sans pour autant que l’échéance du paiement ne soit fixée de façon précise… Parmi les hypothèses qui ont été avancées par des savants pour concilier le contenu de ce Hadith avec le principe sus-cité, la plus plausible semble être la suivante :
La transaction que le Prophète Mouhammad (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) désirait réaliser n’était pas conditionnée à un paiement différé. Il s’agissait en fait d’un achat au comptant, mais le Messager d’Allah (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) n’ayant pas la possibilité de régler dans l’immédiat, il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) proposait au vendeur de lui faire une faveur en lui donnant un délai pour le paiement; il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) s’acquitterait alors de sa dette dès qu’il (sallallâhou ‘alayhi wa sallam) en aurait la possibilité…
Et lorsque le paiement différé n’est pas conditionné dans la transaction[4] et qu’il constitue une simple faveur accordée librement par le vendeur, le fait qu’une échéance précise pour celui-ci ne soit pas déterminée ne pose pas de problème : cependant, dans ce dernier cas, le marchand a le droit de réclamer à l’acheteur ce qui lui est dû à n’importe quel moment.[5]
Wa Allâhou A’lam !
Et Dieu est Plus Savant !
[1] Nom donné à l’époque à une sorte d’habit assez rugueux, dont la couleur était un peu rouge et qui contenait des motifs. Réf : « Al Athîr », d’après la citation faite dans « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 3 /Page 404
[2]Nom donné à un vêtement de meilleure qualité que le qitriy. Réf : « Touhfat oul Ahwadhi » – Volume 3 /Page 404
[3] L’avis rapporté de la plupart des oulémas des quatre écoles juridiques les plus connues va dans le même sens sur cette question. Pour les hanafites, c’est même là une des conditions de validité pour ce genre de transactions. Réf : « Al Mawsouat oul Fiqhiyah » – Volume 15/ Pages 39-40 et Volume 9 / Page 37
[4] Il faut savoir que des savants hanafites précisent que l’opération commerciale qui est réalisée sans aucune mention au sujet de la date de paiement (bay’ moutlaq) est considérée comme étant une vente/un achat au comptant. Réf : « Al Mawsoûat oul Fiqhiyah » – Volume 9 / Page 37
[5] Tandis que dans le cas d’une vente où le paiement à crédit a été conditionné, il n’est pas permis au vendeur de réclamer à l’acheteur la somme due avant que n’arrive l’échéance. Réf : « Taqrîr Tirmidhi » – Volume 1 / Pages 63-64 et « I’lâ ous Sounan » – Volume 12 / Pages 6000 et suivantes; voir également « Al Moughniy » – Volume 4 / Page 356
- Par Mouhammad_Patel
- Le 3 avril 2009